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Mythes de création

Compte-rendu de la réunion du 13 Février 2011 sur les mythes de création du monde, ou cosmogonie.

Différents mythes de création ont pu être abordés lors de la réunion : création du monde, d’un pays, des hommes, de principes naturels comme la Vie et la Mort, générations de dieux.
Les mythes sont attachés à des environnements culturels bien particuliers. On peut relever les mythes relatifs à de grandes religions bien connues et constituées (comme le polythéisme de Grèce, d’Inde, etc.) et des mythes qui étaient attachées à des groupes claniques plus épars, comme les tribus d’Indiens d’Amérique, etc.
Les mythes peuvent relever des religions polythéistes comme chamaniques ou animistes. Il s’agit d’un phénomène culturel dont l’existence dépasse les différences de croyance, de société, etc. Quelle que soit sa religion, l’homme y a lié des mythes.

On a pu relever au cours de la réunion plusieurs thèmes traversant les mythes.

Les Thèmes récurrents des mythes de création

L’ eau

En Scandinavie, un océan immense préexiste au monde, et la Mère de toutes choses, Luonnotar, vient s’y allonger avant d’être fécondée par la tempête…
d’un œuf déposé par un canard sur son genou se formeront le soleil, la lune et les étoiles.

Le mythe de création du monde selon les indiens du Montana : ce monde-ci est créé après un déluge qui noie les eaux, et est extrait de la terre noire qui se trouve alors au fond des eaux.

Dans la mythologie égyptienne, le monde est issu d’un monticule qui émerge de l’océan primordial, Noun.
A Babylone, toute chose est issue de l’union de l’eau douce (Apsu) et de l’eau salée (Tiamat).

Cycles de création et destruction

En Grèce, la généalogie des dieux induit des guerres et des passations de pouvoir successives : tout comme Kronos, coupant le phallus de son père Ouranos, prend également son pouvoir, Zeus, le fils de Kronos, fomente une révolte qui aboutira à sa victoire et au règne des Olympiens.

De même, chez les Nordisants, le Ragnarok, le crépuscule des dieux, est déjà connu et prévu, quoi que non accompli. Toutes les divinités majeures du panthéon scandinave trouveront la mort, mais quelques dieux survivront et un nouveau cycle commencera.

Chez les hindous, le monde est créé en permanence par la récitation des cinq védas par les cinq têtes de Brahma. Au bout d’une « journée » qui dure plus de 4 milliards d’années, Brahma s’endort et l’entière illusion du monde se dissout dans le néant. De même dans l’hindouisme, la danse de création-destruction de Shiva représente la fin d’un cycle, au terme duquel l’océan recouvre à nouveau le monde, sur lequel Vishnu dort allongé. De son nombril poussera une fleur de lotus, d’où sortira Brahma qui récitera à nouveau les védas, et un nouveau cycle peut commencer…

Chez les indiens hopis (Arizona), il exista plusieurs mondes s’étant succédés avant celui-ci, rythmant les évolutions progressives de la vie et du genre humain. Les Indiens du Montana évoquent aussi l’existence de mondes ayant précédé celui-ci.

Chez les Inuits également, le monde actuel a connu plusieurs destructions.

Les Aztèques également racontent que le monde actuel est le quatrième monde, les dieux ayant alors créé les hommes à partir des os des précédents habitants du monde, recueillis aux Enfers.

Ce thème en particulier a évoqué la réflexion de la naissance, de nos jours, d’une humanité nouvelle et d’espèces nouvelles… Dans les campagnes, on remarquerait que les dates de floraison d’espèces auparavant identiques se décalent dans le temps (différenciation et apparition de nouvelles espèces). Sur les parkings, de nouvelles espèces végétales issues de croisement d’espèce OGM se développent naturellement.
Des animaux dont on pensait le comportement immuable montrent également de nouvelles attitudes : en Haute-Provence les grives nordiques s’arrêtent désormais, ce qui est contraire à leur tradition séculaire, et certaines variétés de crapaud qui ne vivaient que dans les hauteurs descendent également dans la vallée.
Ces changements sont-ils inscrits dans une évolution naturelle et propre à la Terre, ou sont-ils précipités par l’action de l’homme ? Dans quelle mesure celle-ci peut-elle induire un bouleversement que certains comparent à la venue d’un nouvel âge ? C’est sur la nature réelle de l’impact de l’homme sur l’environnement et l’ampleur réelle de ces changements – qui n’est pas aisée à mesurée de nos jours – que les questions se posent… Sommes-nous à la fin d’un cycle ? Ou n’y a-t-il pas réellement de changement majeur ? …

La volonté d’un dieu créateur

En Egypte ancienne,  Râ provoque sa propre existence en disant « je suis » et déclenche les forces de la nature par l’acte masturbatoire.

Pour les Keres (dans le sud-ouest de l’Amérique), une femme pensante tire l’univers de ses propres pensées.

Union des forces de la nature

Chez les Singpo, dans l’Himalaya, on voit se succéder des générations de nuages, brumes, neige, terre, et enfin vent…

Chez les Indiens Juaneno et Luiseno de Californie, tout découle de l’union de deux nuages nommés Vacant et Vide (le thème se fait déjà plus ésotérique)

En Polynésie, un mythe de création très détaillé explique même la naissance de la poussière dans l’air, née de l’union de « Petite Chose » et d’ « Imperceptible Chose ».

Dans les traditions nordiques, le monde sur lequel nous vivons résulte de la rencontre entre le monde du Feu et celui de la Glace.

La persistance de ces thèmes et leur ajustement aux avancées scientifique peut étonner. Le rôle de l’eau comme berceau de la vie est par exemple avéré. Selon l’astrophysicien Hubert Reeves, les cosmogonies décriraient de façon assez troublante en symbole ce que nous découvrons aujourd’hui en étudiant le Big Bang.

La question se pose alors de cette connaissance apparemment instinctive de la réalité des forces portant la vie dans la nature et de la façon dont les hommes ont pu en quelque sorte les jauger et les deviner dans leurs mythes sans en avoir la connaissance scientifique. Des théories comme la mémoire génétique ou la mémoire de la Terre, Gaïa, ont été avancées.

L’histoire de l’évolution est aussi marquée dans le développement embryonnaire de tout être humain, qui passe par un stade poisson, puis reptilien. Au passage, on peut noter que les parallèles de thèmes entre des mythes issus de civilisations ne s’étant pas historiquement côtoyé a de quoi surprendre… D’où viennent les mythes ? D’où vient cette conscience universelle ?

Mémoire du monde et mémoire des hommes… Il est intéressant également de noter que les mythes portent parfois la mémoire de grandes catastrophes, comme le Déluge qui est évoqué dans de nombreuses traditions, à commencer par celle de Sumer, dans le mythe de Gilgamesh et d’Enkidou.

Les mythes ne résolvent généralement pas le mystère du la naissance du divin. La notion d’origine du monde suppose qu’à un moment a commencé à exister quelque chose, souvent une divinité, qui a engendré d’autres divinités, la terre, l’humanité… comment a-t-elle pu naître à partir du néant ?
Une autre conception consiste à penser que le divin est intemporel et a toujours existé et existera toujours (infini bien difficile à conceptualiser dans notre cerveau…).

La terre peut être perçue comme la divinité primordiale.
On peut également remettre en question la linéarité du temps, et le conceptualiser par exemple de manière cyclique, avec des phases de création et destruction.

Variantes

Au Japon, toutes les îles de l’archipel seraient issues des amours d’un couple divin.

Chez les Aborigènes, on parle de dreamtime, le temps du rêve, durant lequel le monde s’est élaboré. Il est intéressant de noter que l’absence de possession est un thème important dans la philosophie aborigène : les arpents de terre ne leur appartiennent pas.

Pour le aborigènes, les êtres surnaturels seraient sortis de terres, et auraient créé le monde. Certains avaient la forme d’humains, d’autres d’animaux, et les êtres vivants actuels sont leurs descendants.

La notion de possession et de propriété découle en effet pour sa part la plus institutionnalisée de l’agriculture. On voit ici des différences de conceptions importantes entre les peuples nomades et les peuples sédentaires.

Autre notion primordiale dans les civilisations du Proche-Orient : le monde qui a été créé pour servir les dieux. Dans la mythologie de ces peuples, l’homme est en effet créé pour suppléer aux besoins des dieux, par l’offrande, la prière, le sacrifice.

Nous avons enfin évoqué les civilisations à propos desquelles nous ne possédons pas de mythes de création : l’Irlande en effet semble exister de tout temps, la mythologie s’axant davantage sur les peuples s’étant succédé sur cette terre éternelle, dont les règnes successifs symbolisent trois niveaux de conscience progressifs (matériel, intellectuel et spirituel).

Les contextes des mythes

Ils existent dans toutes les civilisations ancestrales, nous l’avons vu.
Dans ces cultures, ils sont parfois connus dans leur version complète dans leur sens le plus caché uniquement par le prêtre ou le chaman. A l’opposé de cette élitisation du mythe, on observe une tendance du peuple à s’approprier ses histoires : les mythes au XIXe siècle ont été recueillis et retranscrits à partir du récit qu’on en faisait dans les campagnes et les chaumières ; et c’est encore ainsi que travaillent les ethnologues de nos jours.

Dans le sens de cette appropriation du mythe par la Vox Populi, il est à noter une version alternative de la Création du Monde par Dieu et le Diable, recueillie en Europe par Henri Gougaud (Henri Gougaud, l’arbre aux Trésors).

Porteur d’une sagesse intérieure inhérente à la psyché humaine, le conte n’est jamais aussi vrai que lorsqu’il suit l’imaginaire collectif…

L’interprétation du mythe

On peut noter plusieurs niveaux d’interprétation, du plus vaste au plus intime :

– Le mythe comme descriptif des cycles de la nature.

Exemple : Perséphone descendant aux Enfers symbolise l’hiver, Blanche-Neige peut aussi être considéré comme un conte relatif au passage des saisons, de même les cycles de création que nous avons évoqués ne sont pas sans rappeler le dépérissement de la nature en hiver, avant qu’elle renaisse au printemps…

– Le mythe comme lien social, porteur de valeur commune

(l’interdit de l’inceste, du meurtre, par exemple…).
Lien identitaire, sur lequel se fonde toute religion socialement organisée.

– Le mythe comme symbole d’un niveau de l’être plus intime

voire les analyses psychanalisantes de Bruno Bettelheim (Psychanalyse des contes de fée) ou psychologisantes de Clarissa Pinkola Estés (Femmes qui courent avec les loups).

En ce sens, le mythe peut aussi renfermer le symbole de rites d’initiation ayant eu lieu dans certaines civilisations (mystères d’Eleusis ? Orphisme ? etc.)

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